Chers amis,
Je commençais ma lettre du 1er janvier 2022 en écrivant qu’une année difficile pour l’ensemble du monde venait de se terminer. Et pour Madagascar, ce que je connais le mieux après avoir, le 24 août 2022, débuté ma 37eannée de présence. Je commence celle-ci de la même manière car, après la pandémie du covid des années 2020 et 2021, nous n’en avons toujours pas terminé malgré la vaccination qui, nous le savons, après les gestes barrières toujours d’actualité, reste encore le moyen le plus efficace de se protéger. Il semblerait que les hôpitaux de la capitale sont pleins avec à la fois le covid et, je crois, une grippe saisonnière relativement agressive ainsi que la rupture de stock de certains médicaments nécessaires pour ces infections. Ici, à Mananjary, on ne parle que de quelques cas dans la mesure où les moyens de dépistage ne font pas partie des préoccupations de l’ensemble de la population. On voit très peu de personnes se protéger par le port du masque qui est obligatoire à l’Hôpital Sainte-Anne. Il en est proposé chez nous pour l’équivalent de 0,05 d’euro pour ceux qui n’ont pas le masque traditionnel en tissu…et bien sûr, la gratuité pour les plus pauvres qui sont, pour beaucoup d’infections, les premiers touchés. Je remarque d’ailleurs que ce sont eux souvent qui ont ce masque en tissu qu’ils lavent…et relavent ! Les maladies infectieuses, une géopolitique mondiale vacillante, une terrible guerre en Europe, un changement climatique qui nous touche également, une inflation mondiale dont Madagascar n’est pas épargné avec déjà un niveau de vie qui est des plus bas de toutes les nations, font que la situation de paupérisation s’accentue d’une manière exponentielle qui ne laisse pas présager des changements bénéfiques dans un proche avenir pour le pays et surtout les plus pauvres. Quid de tout cela ? Comment le dire simplement ? Fidélité et continuité dans la vocation qui est la mienne et pour ce qu’il m’a été demandé de faire par mon évêque avec le même intérêt voilà des années déjà, lorsque nous commencions à défricher et à viabiliser le site du futur Hôpital Sainte-Anne. Que de chemin parcouru ! Il faut que je méfie un peu de moi-même et que je m’efforce de voir tout ce qui a été fait et non pas ce qui reste à faire surtout après le très méchant cyclone, Batsiraï, que nous avons essuyé le 5 février 2022. Il pourrait, sinon, y avoir de quoi se décourager ! Et comme tout le monde, cela m’arrive ! Je rends grâce à Dieu néanmoins, car cela ne dure pas bien longtemps tant, comme je l’ai déjà écrit, il faut gérer l’urgence des urgences.
Ce fut, bien sûr le cas, au petit matin du 6 février 2022 alors que le jour se levait après une nuit sans dormir et que le plus dur était passé même si les restes du cyclone terminaient son œuvre dévastatrice. Ces 24 heures (il était relativement étendu) ont été anormalement longues et angoissantes avec cette impression que tout était terminé. Il faut des jours et des jours pour se remettre. De la varangue du directeur avant d’aller à l’hôpital, le premier choc faisait que je le voyais. Ces dernières années, un rideau d’arbres fruitiers en cachait la vue. Les jours suivants, nous avons d’ailleurs tenté d’en sauver un certain nombre qui étaient couchés en les redressant et en consolidant leur base. Le résultat est mitigé même si certains ont repris de la vigueur dans les mois suivants. Il me faut refaire une pépinière et replanter. Plus que les autres fois, j’ai été frappé par le fait que la nature semble avoir voulu se venger de ce qui tentait de la détruire. Quelques jours après le passage de Batsiraï, on voyait des bourgeons et de nouvelles feuilles voire des fleurs pour certains arbres, éclore. Un émerveillement… dans le malheur ! Peu ou pas de litchis en ce mois de novembre 2022. Cependant, cette année, nous avons beaucoup de mangues (en tout cas à Sainte-Anne) sur des arbres encore mutilés. Un arbre aux solides et profondes racines difficilement déracinable. Sûrement pas partout car sur le marché de Mananjary, une mangue coûte 1/3 d’euro, ce qui est énorme. Les prix des fruits et légumes se sont envolés et restent trop élevés pour une population qui, en général, n’a que de petits moyens. Un autre paradoxe, le fleuve Mananjary qui est monté de plusieurs mètres, comme à chaque fois, est venu recouvrir les rizières alors que nous venions de repiquer le riz. L’eau s’étant relativement vite retirée (il ne faut pas que cela dépasse 24 heures), le riz a vite repris de la vigueur et nous avons pu faire une moisson plutôt satisfaisante.
Le plus dur restait à faire…monter à l’Hôpital en s’aidant à la tronçonneuse pour passer en voiture. Malgré les ravages aux alentours, il semblait avoir bien résisté à part deux tôles qui avaient commencé à être détachées. Cela commence toujours ainsi, une tôle part, le vent s’engouffre et le tout s’envole comme à Mananjary ville où 90% des toits sont partis et dont l’Hôpital Public est complètement ravagé. Ma première réaction fut de rendre grâce à Dieu ! Mais quelle désolation en entrant dans tous les bâtiments où l’eau avait pénétré par les claustras d’aération entre les toits en tôle et les plafonds. Des pointes de vent à 240 km/h et une pluie qui ne tombe plus verticalement mais horizontalement avec un effet Karcher ont fait leur œuvre. Les plafonds de pratiquement tous les pavillons ont été touchés et surtout les plafonds des blocs et des salles de réveil en placoplâtre qui sont tombés sous le poids de la laine de verre gorgée d’eau. Quelle désolation alors qu’en apparence l’Hôpital semblait ne pas avoir trop souffert. Mais nous savions néanmoins que c’était pire ailleurs. Toutes les équipes se sont mises au travail pour rendre l’Hôpital accessible car dès le lendemain, il nous était demandé au niveau de la Présidence si nous acceptions alors que l’Hôpital Sainte-Anne reçoive les malades de l’Hôpital public, alors même qu’il n’était pas encore ouvert et que nous constituions le dossier de demande d’ouverture définitive ! Ce qui fut fait dès le 9 février, avec les premières interventions chirurgicales le 11… sans plafonds remis en état en moins d’un mois (les travaux de réfection se poursuivent encore). Il en est ainsi jusqu’à ce jour et jusqu’à la fin de ce mois de janvier sans doute. Le travail accompli est considérable. Du 9 février au 20 novembre, nous avons accueilli en médecine, chirurgie, pédiatrie, maternité 1 555 malades : en médecine, 308 femmes et 247 hommes, 200 enfants en pédiatrie, 369 femmes en maternité et en chirurgie 431 autres personnes dont 179 césariennes et 250 autres interventions chirurgicales parfois très lourdes. Depuis le 24 avril, il ne reste plus que le service de chirurgie de l’Hôpital Public à Sainte-Anne où se succèdent tous les jours les interventions (5 en ce 16 janvier). S’il y eut une belle et franche collaboration entre ces deux entités, publique et privée, elle continue d’être souhaitée par tous et de fait, se fera, car nous avons besoin des uns et des autres par les services que les uns et les autres peuvent offrir. C’est vrai, par ailleurs, qu’il nous a fallu financièrement investir pour que tout se passe pour le mieux, prise en charge du transport et des repas du personnel du public (ils font des services de 24 heures d’affilée), mise à disposition de nos stocks pour les interventions si besoin et d’autres services qui ont facilité la tâche de tous. L’Hôpital public est à 9 km.
Vous le savez, selon la volonté de notre évêque, Mgr José Alfredo, l’Hôpital Sainte-Anne est d’abord destiné aux plus pauvres, ceux qui n’ont vraiment rien. Ils sont de plus en plus nombreux. C’est à la fois la philosophie et la spiritualité de l’Hôpital Sainte-Anne, un projet pour lequel il existe désormais. Je me réjouis que pendant cette période transitoire il en fût ainsi grâce à un dialogue quotidien avec le médecin chef et chirurgien de l’Hôpital Public, le Dr Rynah et moi-même et bien sûr, votre soutien financier immédiat. Je crois pouvoir dire qu’aucun pauvre n’a pas été pris en charge. Combien nous vous devons ! Je suis parfois « ahuri » mais tellement heureux de ce dont je suis témoin. Le Dr Rynah prend souvent des photos de ce qui sort, si je peux le dire ainsi, de l’ordinaire. Il y a un avant et un après. Je crois qu’il va me donner des clichés pour que je puisse témoigner. C’est une manière, pour lui, de nous dire merci que d’accepter que j’en fasse pour nous tous, comme d’habitude, un reportage photos légendées respectueux que vous verrez sur nos sites. Dans le fond, et c’est souvent ainsi, de ce malheur qui s’est abattu sur nous le 5 février 2022, il en est sorti un bien : le fait que l’Hôpital Sainte-Anne fonctionne plus tôt que prévu. Je connais maintenant avec le passage d’un violent cyclone et le fonctionnement de l’Hôpital Sainte-Anne, ses faiblesses auxquelles nous remédierons et ses avantages. Conjointement aux différents travaux de remise en état (les 60 batteries de 75 kg qui ont failli exploser sont remplacées et les 60 auvents fabriqués sur mesure dans la capitale pour que l’eau ne puisse plus rentrer lors des cyclones sont posés, le reste moins urgent se fera dans le temps), nous terminons la construction d’un bâtiment de stockage dont nous verrons le reportage bientôt sur nos sites. La maison dite des coopérants a complètement été achevée également cette année 2022 La construction du pôle mère/enfant souhaité par le ministère de la Santé devait débuter en 2022. Les dépenses ont été lourdes cette dernière année. Néanmoins, j’espère pouvoir lancer sa construction cette année 2023 et comme d’habitude, là aussi, faire confiance à la Divine Providence. Et en avoir terminé avec les infrastructures nécessaires à l’utilisation optimale de l’Hôpital. C’est trop lourd financièrement de mener de front des frais de constructions et les dépenses inhérentes au fonctionnement de l’Hôpital qui sont à notre charge, un Hôpital pour les pauvres dont les rentrées financières sont limitées.
Pendant les deux cyclones à 15 jours d’intervalle et pendant 3 semaines au moins, nous avons accueilli plus de 100 sinistrés au sein de l’Hôpital. Grâce à votre rapide générosité et selon votre désir également, nous avons reconstruit plusieurs dizaines de cases. Nous l’avons fait avec Madame Yveline, le maire de la commune de Tsaravary, sur laquelle se trouve l’Hôpital Sainte-Anne. C’est une opération qui a plutôt bien fonctionné avec, néanmoins, quelques difficultés au départ. Les cases en matériaux locaux sauf les poteaux et différents bois de la charpente en eucalyptus, sont faites avec le ravinala (arbre du voyageur emblème de Madagascar) palmier en éventail dont le tronc, les feuilles, les tiges des feuilles sont utilisées. Ils ont également souffert. Ce que l’on trouvait était rare et anormalement cher ou de qualité douteuse. Il a fallu « jouer » avec le temps et départager les plus nécessiteux et ceux qui pouvaient se débrouiller sans notre aide. Sur cette même commune d’autres associations amies sont intervenues. Votre générosité nous permet aujourd’hui encore de continuer l’opération et de toucher sans aucun doute les plus pauvres. De nombreux bailleurs et organisations internationaux sont intervenus dans la ville de Mananjary et la région. La ville et la région se reconstruisent avec ici et là des signes qui montreront encore longtemps la violence du phénomène. Nous sommes, comme chaque année, rentrés du 1er novembre dernier au 31 mai prochain, dans la période dite cyclonique. Nous en avons l’habitude ! Ce n’est pas le ciel que nous scrutons mais Internet. Nous sommes déjà à la lettre D. Que nous réservent les prochains mois ? En attendant, nous poursuivons confiant tout de même nos tâches avec l’espoir qu’une vraie saison des pluies vienne sur la région de Mananjary pour que les gens puissent enfin repiquer le riz dans les rizières qui sont encore sèches. Le riz est la vie du peuple malgache. Toute la culture en est imprégnée. Il va sûrement falloir penser l’avenir autrement avec un changement climatique dont nous ressentons déjà fortement les effets ici aussi. Mais avec quels moyens ? C’est une autre et grave question dont l’Église à laquelle j’appartiens prend ici toute la mesure !
De tout cœur, je vous souhaite une belle et bonne année et surtout une bonne santé. On découvre davantage ce bien précieux en prenant de l’âge. Comme l’an passé, permettez au missionnaire que je suis de partager encore avec vous cette même prière biblique qu’on lit à chaque Nouvel An, elle est trop belle ! C’est ce que je vous souhaite ainsi qu’à tous les vôtres : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » P. Jean-Yves
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