Mananjary, le 15 janviers 2012
Chers parents et amis,
xxxxLes mois d'avril - mai - juin 2011 étaient le temps de mes congés réguliers. J'ai parcouru une bonne partie de la France en voiture à la rencontre des uns et des autres. Malgré les 17 000 kilomètres affichés au compteur, je n'ai pas eu le plaisir et la possibilité de tous vous rencontrer. Je le regrette ! De fait, mais c'est aussi le signe probant d'amis toujours plus nombreux dont le projet du futur Hôpital Ste Anne de Mananjary (HSA) est à l'origine. Si je m'en réjouis... je pourrai aussi regretter d'être obligé de "passer en coup de vent" ! Enfin ! On ne peut pas tout avoir ! En tous cas, merci de votre accueil chaleureux qui a toujours pour effet de "nous arracher difficilement" de ces moments forts d'amitié et de partage. Les longues heures passées en voiture ne sont jamais du temps inutile voire perdu puisqu'elles me permettent dans le silence d'une conduite néanmoins attentive à la route et aux paysages magnifiques de notre pays de "reprendre" et de méditer ces instants vécus ensemble !
xxxxA chaque rendez-vous annuel par cette lettre, il me semble que je commence non pas par la "météo" mais par vous dire les effets du déchaînement des éléments que sont les fameux cyclones tropicaux (nous sommes malheureusement sur une de leurs "bonnes trajectoires" avec la longue façade maritime Est de Madagascar) ou des intempéries dues à la saison des pluies. L'année écoulée aura été calme ! Aucun cyclone sur Mananjary et sa région! Les raisons ? Probablement ce que les services météorologiques de La Réunion précisent : « Le bassin Océan Indien Sud-Ouest devrait connaître une activité cyclonique plus faible qu'à la normale en raison principalement d'un phénomène La Nina qui devrait se renforcer pour les mois à venir ». L'on bénéficiait donc déjà de "La Nina" en 2011 (ces courants marins froids, si je ne me trompe... mais quelle chaleur "sur la terre "!). Espérons que cela se vérifie car il y a néanmoins beaucoup d'activités et de phénomènes ces jours ! En ce qui concerne les pluies, à défaut de cyclones dévastateurs, elles peuvent être, sans les vents, tout aussi destructrices. 2011, une année sans cyclones "chez nous", aura connu une pluviométrie que l'on peut qualifier de moyenne voire de normale avec 2050 mm avec, tout de même, un mois de février avec 738 mm.
Si je vous reparle encore de ces aléas climatiques, c'est qu'ils ont une incidence certaine sur le projet HSA et l'avancée des travaux. Ces dernières années, il y avait tout ce qu'il fallait pour céder au découragement. Cela a été difficile... mais nous n'avons pas "cédé". Le résultat, aujourd'hui, et comme je l'ai déjà écrit : « Ce qui est définitivement terminé ne bouge pas ! C'est ce que nous sommes en train de faire et n'est pas définitivement achevé qui peut toujours subir des détériorations ! » C'est heureusement de moins en moins vrai car les "choses" avancent !
Cette période toujours un peu difficile ne nous encourage pas à nous absenter "trop loin et longtemps". Je l'ai néanmoins fait l'année dernière pour mes congés alors qu'il restait 2 mois de cette mauvaise saison sur 3 d'absence... parce que le chantier était entre les mains de Tanguy, que je vous présentais sur ma lettre précédente. A la fin du mois de juillet, l'année dernière, il terminait son séjour et son travail parmi nous. De fait, comme je vous l'écrivais sur ma lettre du 31 décembre 2010, les choses allant plus vite à deux, ce que nous avions prévu de faire, a pu être mené à bonne fin : les 524,90 mètres de murs de soutènement (et non pas 400) pour constituer les 3 plates formes qui accueilleront les pavillons de l'hôpital. Tanguy est bien rentré, comme technicien et futur ingénieur, dans cette dynamique et nécessité qui est de ne pas hypothéquer l'avenir en ne prenant pas suffisamment en compte des conditions climatiques difficiles voire redoutables (il n'a pas vu de cyclone pendant son séjour mais a néanmoins constitué un fichier de photos sur ce que peuvent provoquer des pluies fortes et soutenues...).
xxxxPour un projet comme celui d'HSA (Hôpital Ste Anne) dont nous souhaitons qu'il s'inscrive dans le temps par à la fois la qualité des matériaux utilisés, la solidité des réalisations, la prise en compte d'un certain nombre de facteurs économiques, environnementaux, culturels et de pauvreté (malheureusement), nous sommes obligés en permanence d'œuvrer sur un ensemble tout en procédant par étape.
Ce que je veux dire d'une autre manière et sans doute plus compréhensible, il n'aurait pas été "aisé" de construire tout de suite un bloc opératoire (même si beaucoup de monde l'attend ici et... là bas !) sans construire les structures (et services) pour un "avant" et un "après" intervention chirurgicale... et celles que cette dernière nécessite "pendant". Ces choix initiaux avec un réel travail au quotidien, sans précipitation, je crois, permettent à nos amis architectes tourangeaux, bénévoles, généreux, de travailler à quelque chose de cohérent et sûrement de pratique pour l'avenir.
xxxxDe fait, comme je l'écrivais également, après ces travaux préliminaires indispensables mais lourds dans la forme après le choix de privilégier les personnes qui cherchent du travail et donc dans le temps, au cours de cette année 2011 au mois de mai, Tanguy a pu commencer la construction des premiers pavillons (sur un total de 12 hors pôle mère/enfant). 4 sont en cours de réalisation.
Alors que la base des constructions est en moellons de granit ainsi que les piliers des varangues, les murs devaient être en briques crues pressées avec un ajout de ciment. Conjointement à la réalisation des fondations des pavillons, Tanguy travaillait aux tests et essais nécessaires avant de se lancer dans la fabrication artisanale et soutenue de briques. Sans entrer dans les détails avec des questions de proportion des ingrédients et de mélange optimum, il arrivait au meilleur résultat possible. Cependant, à mon retour de France, début juillet, malgré un aspect franchement satisfaisant, je doutais, alors que nous construisons pour des décennies, de la résistance de ces briques. D'où pouvait provenir la difficulté ? La réponse à ce jour reste en suspens ! Très probablement à cause de la latérite utilisée qui pourrait, avec le temps, être anormalement chargée en sel puisque nous ne sommes pas très loin de la mer, côte Est, façade agitée, sans barrière de corail significative pour tempérer cette violence avec des embruns marins relativement importants.
Depuis quelques temps, quelques personnes de Mananjary confectionnent des briques qu'elles cuisent. En passant près de ces tas de briques, je vois qu'elles ne sont pas plus résistantes que les nôtres (beaucoup trop de déchets au chargement dans les véhicules acheteurs). Il y a une cinquantaine d'années voire plus, un français faisait des briques cuites de qualité estampillées à son nom. Il semblerait que la terre venait d'ailleurs puisque cette personne avait une concession plus à l'intérieur des terres. Je ne désespère pas d'avoir une réponse à mes questions... par une dame amie, franco-malgache, à la famille encore nombreuse ici ou en France, descendante de cette personne. elle vit à Paris mais revient régulièrement au pays de sa jeunesse. Elle possède une quantité importante de photos d'époque, véritable mémoire de la ville de Mananjary, de la région et de ses activités au temps de la colonie et de la première république de Madagascar.
Si je parle un peu longuement de cette question, c'est qu'elle m'a causé un gros souci au point d'en perdre le sommeil pendant des jours. Avant son départ, j'avais demandé à Tanguy (aidé de son frère, ingénieur de formation également, venu le visiter) de faire encore une fois des tests de résistance avant de décider. Ces tests par des petits films sont visibles sur le site Internet de l'une de nos associations, celle de Lorraine (www.alehsam.com, rubrique "vidéos"). Ces images parlent d'elles mêmes et m'ont amené à prendre la décision d'arrêter les briques et de faire d'excellents parpaings (confection à voir sur le même site) avec du sable de rivière, du ciment de qualité et une eau non saumâtre. Le résultat est à la hauteur de nos attentes.
S'il y a le regret de ne pas être parvenu à nos fins pour "marier" le moellon de granit et la brique, un ensemble qui se serait bien inscrit dans notre paysage côtier, le souci encore de ne pas hypothéquer autrement l'avenir d'un "projet durable" a prévalu. La sérénité et le sommeil sont revenus !
xxxxAu mois d'août, je recevais un groupe de 8 jeunes étudiants de Chartres accompagnés, d'Anne-Marie, professeur des écoles dans cette même ville mais originaire de chez moi en Touraine. Ils sont venus pour un camp de travail d'une quinzaine de jours. Ils avaient amené le matériel avec lequel ils devaient travailler. Nous devions sortir du matériel des conteneurs et en particulier une cinquantaine de lits hospitaliers, les monter pour voir s'il étaient complets, les nettoyer, éliminer éventuellement des pointes de rouille et traiter si besoin était. En fait, ils ont fait le va et vient, le matin, entre le bord du fleuve Mananjary et le camion d'HSA (au moins 300 mètres à chaque fois) à transporter avec les ouvriers des sacs de sable de rivière pour les travaux et renouveler ainsi les stocks épuisés pendant mon absence. C'est répétitif, peut être pas gratifiant mais indispensable ! Ils l'ont formidablement bien compris et ont travaillé de bonne grâce avec une humeur joyeuse. Même chose l'après midi pour divers travaux, de manutention entre autres où ils se faisaient un point d'honneur à rendre service pour des travaux auxquels ils ne sont habitués...et la fatigue! Mais détente le soir comme j'ai pu le constater les fois où ils m'invitaient... Je pense que ces jeunes de France garderont de bons souvenirs de leur court passage, dans le fond, à Madagascar !
Après leur départ, immédiatement, leur succédaient Pierre, le papa d'Anne Marie, à qui on fêtait dans la gaieté les 73 ans parmi nous (mon évêque sait bien faires ces choses) accompagné de Dominique, jeune retraité de quelques semaines tout comme Pierrot de la SNCF et de son épouse Geneviève, infirmière encore en activité qui, tous les matins, partait travailler avec la sœur à la léproserie du diocèse. Pierrot et Dominique ont pu et su faire ce que je n'avais pas le temps de faire... ce que je ne savais pas faire et ce que je n'avais pas trop envie de faire... et que je repoussais à un peu plus tard ! Encore un bon et fort moment de travail et de partage pour moi et pour HSA !
Sans oublier, bien sûr nos amis pharmaciens de PHI (Pharmacie humanitaire Internationale) d'Anjou au mois de novembre qui, volontiers, accepte, de rentrer dans l'aventure d'HSA pour l'approvisionnement de la pharmacie d'HSA dans le futur mais aussi et avant cela, prendre en charge la "grosse" question des fluides.
xxxxEn 2012, nous aurons, au mois de mars le plaisir d'accueillir nos amis architectes Jacques et Evelyne ; au mois de juillet ou août, un groupe de 6 scouts de France de Tours et en septembre une délégation de l'ADRAR (dont le charisme justement sont "les histoires ou problèmes d'eau"), une association du Lot et Garonne qui accepte de prendre en charge le forage pour l'eau potable de l'hôpital et le matériel nécessaire. Cela devait se faire le mois prochain. Nous attendrons la période sèche et leur venue en septembre. Nous sommes en contact permanent par téléphone via Skype.
Que de soutien des uns et des autres ! C'est heureux et important ! Alors encore une fois, puisque je n'ai pas la place de tout écrire pour tout dire (comme d'habitude), merci de votre générosité et de votre amitié. Elles me permettent d'être là et de continuer ! Contactez moi-dès que vous le souhaitez ou allez voir nos sites Internet via les associations !
Jean Yves